Le symbole est lourd de sens. On joue depuis à peine plus d’une heure que le quatrième arbitre lève son panneau. En rouge, le chiffre 9 s’affiche. Harry Kane se retourne et comprend. Il ne finira pas la rencontre et doit laisser ses coéquipiers poursuivre sans lui. Après avoir donné son brassard à Kyle Walker, il quitte la pelouse, remplacé par Ollie Watkins, héros de la demi-finale. C’est depuis le banc qu’il assistera à la défaite des siens en finale de l'Euro 2024 (1-2), aussi impuissant qu’il l’a été dans son rôle d’attaquant de pointe face à la défense ibérique. "C’est un autre moment difficile pour l’équipe et moi-même (…) Ce fut un tournoi difficile physiquement et mentalement. Nous sommes passés si près du plus haut, du pinacle de nos carrières, maintenant, nous sommes au plus bas. Nous n’avons pas trouvé le chemin pour gagner le trophée et ça va nous hanter pendant longtemps", a déclaré avec dépit Harry Kane.

Chelsea pour bourreau

La triste répétition d’un scénario dont le natif de Walthamstow ne connaît que trop bien le déroulé. A 30 ans, Harry Kane semble poursuivi par une malédiction difficile à comprendre et à cerner. Jamais depuis qu’il a débuté en professionnel, il n’a eu la chance de soulever un trophée. Formé à Tottenham, il a enchaîné les mésaventures. Dès 2015, il atteint pourtant la finale de la Coupe de la Ligue anglaise mais chute face au Chelsea de José Mourinho. Le premier de ses six échecs en autant de finales. En effet, quatre ans plus tard, c’est sur la dernière marche en Ligue des champions qu’il trébuche face à Liverpool, avant de tomber encore en 2021 en Coupe de la Ligue anglaise.

Pas verni en Coupes, il ne l’est guère davantage en Premier League. En 2017, il s’approche au plus près du titre de champion d’Angleterre. Meilleur buteur outre-Manche avec 29 réalisations, il échoue à la deuxième place de Premier League à 7 points de Chelsea.

La scoumoune le poursuit en Bavière

Après 19 ans à Tottenham dont 12 en tant que professionnel, il décide de s’exiler et opte pour le Bayern Munich. Le club bavarois règne sur le football allemand depuis plus d’une décennie et est une assurance d’étoffer son palmarès à court terme, mais il faut croire que la poisse qui escorte le buteur anglais est plus tenace. Avec Kane dans leurs rangs, les Bavarois sombrent en Bundesliga et finissent 3^e, s’inclinent lourdement en finale de la Supercoupe d’Allemagne (0-3 contre le RB Leipzig) et se font surprendre dès le 2^e tour en Coupe d’Allemagne par le modeste club de Saarbrücke (1-2). En Ligue des champions, c’est en demi-finales qu’il voit l’aventure s’arrêter dans la confusion d’une fin de match ébouriffante contre le Real Madrid. Kane avait pourtant presque tout bien fait puisqu’il a signé 44 buts en 45 matchs sous ses nouvelles couleurs.

Pas assez pour vaincre ce sortilège qui l’empêche de connaître la joie d’un titre et enfin dépoussiérer une armoire à trophées désespérément vide. Son nouvel échec à Berlin avec l’Angleterre, le deuxième de suite en finale de l’Euro après le traumatisme de 2021 à Wembley, ajoute une nouvelle occurrence dans sa carrière. "Il a incroyablement bien dirigé l'équipe. Nous avons perdu beaucoup de leaders dans le groupe à cause des blessures, beaucoup de choses sont tombées sur les épaules de Harry et il s'en est exceptionnellement bien sorti", a tenu à saluer Gareth Southgate. Un leadership néanmoins insuffisant pour l’emporter et rompre le sort qui empoisonne Kane le maudit.