Mathieu van der Poel ou Tadej Pogacar roi de Paris-Roubaix ? Le face-à-face
Paris-Roubaix semble promis à l'un des deux favoris du jour : le double locataire du titre Mathieu van der Poel, ou le bizuth de l'Enfer du Nord Tadej Pogacar.
C'est le duel que toute la planète cyclisme attendait pour cette saison des classiques. Il n'a pour le moment pas déçu, bien au contraire. Entre Mathieu van der Poel et Tadej Pogacar, c'est à toi à moi dans une danse de très haut niveau sur les courses d'un jour en 2025. Avec la première participation du Slovène à Paris-Roubaix dimanche, c'est une foule de questions et un surplus d'excitation qui entourent l'événement. Pogacar peut-il détenir le choc, voire dominer "MVDP" sur l'Enfer du Nord ? Amorce de réponse,critère par critère.
Expérience
Quatre ans séparent Mathieu van der Poel (30 ans) et Tadej Pogacar (26 ans), mais les deux hommes tracent comme en parallèle leurs carrières depuis leurs premiers grands faits d'armes sur route en 2019. Sur les courses d'un jour, les deux hommes ne se quittent plus, partagent le podium d'une classique à cinq reprises (et des deux derniers Championnats du monde) depuis 2023.
Van der Poel était revenu ex aequo avec sept Monuments chacun en dominant Milan - San Remo fin mars ? Tadej Pogacar lui a rendu la pareille dimanche dernier sur le Tour des Flandres dans une nouvelle démonstration de force. Si le Slovène a davantage pour lui la carte de la polyvalence pour briller, le talent de "MVDP" sur les Ardennaises n'est plus à démontrer. Et ils peuvent compter sur la détermination même pour appuyer leur vécu dans les très grands rendez-vous.
Match nul
Gestion des pavés
C'est l'immense point d'interrogation de cette édition 2025 de Paris-Roubaix. Tadej Pogacar connaît peut-être les pavés flandriens, et s'est montré assidu en reconnaissances depuis le début de l'année. Il est aussi vrai qu'il avait bluffé tout le monde pour sa réelle sur le Tour 2022 qui avait emprunté certains des secteurs de Paris-Roubaix le temps d'une étape. Mais ces expériences ne sont pas celle de "la dure des dures", ses secondes interminables à vous transir les muscles.
"Je pense qu'avec 55 kilomètres de pavés, il va atteindre ses limites" a avancé le directeur de l'épreuve Thierry Gouvenou, lundi dans l'émission Bistrot Velo d'Eurosport. "Lorsqu'on est au départ de Paris-Roubaix, la grosse différence avec les autres courses, c'est qu'on doit se battre avec le parcours avant de penser à ses adversaires. S'il s'en sort et qu'il gagne cette épreuve, il rentre dans la légende par la grande porte. S'il est en difficulté et qu'il y prend goût, ce sera encore meilleur pour l'avenir. Je pense qu'il ne sera pas très loin, mais qu'il ne sera pas vainqueur."
Mathieu van der Poel, lui, n'a plus grand-chose à apprendre de l'Enfer du Nord, dont il a terminé à chaque fois dans le Top 10, et trophée à la main en 2023 et 2024. Sa maestria la saison passée, avec trois minutes d'avance sur son dauphin, et dit longtemps sur à quel point il excelle dans cet exercice. Autre atout dans la manche du Néerlandais, la météo humide qui pourrait s'annoncer dimanche est un piège de plus pour les débutants, alors que "MVDP" était déjà de la partie lors du dernier Paris-Roubaix disputé sous la pluie, en 2021.
Avantage Mathieu van der Poel
Science de la course
Entre deux coureurs appelés à entrer dans la légende du cyclisme, hiérarchiser leur intelligence tactique tient autant de l'analyse de leurs plus grands exploits que de l'appréciation personnelle. Tadej Pogacar a pour lui son appétit irrépressible pour l'offensive, jusqu'à ce qui serait pour un autre cycliste que lui de l'irrationnel, voire de l'inconscience. C'est aussi ce qui fait le charme de "Pogi", capable de dynamiter une course à plus de 100 kilomètres de l'arrivée comme d'enchaîner les attaques jusqu'à faire craquer tous ses adversaires, comme il l'a réalisé sur la Ronde dimanche dernier.
Mathieu van der Poel mise davantage sur la violence de ses accélérations et la cadence de son pédalage, tout en puissance. Deux styles mais bien souvent une même efficacité, puisque le duo est seul sur sa planète quand il passe à la vitesse supérieure. Même si les nombreux incidents possibles sur Paris-Roubaix (crevaisons, chutes autour de soi même en étant bien placés…) limitent les chances d'un long raid, Pogacar peut sans doute mettre sur un arsenal un peu plus grand pour faire la différence.
Avantage Tadej Pogacar
Qualités physiques
Le poids ne fait pas tout entre Compiègne et Roubaix, mais il est un atout non négligeable sur les pavés. Etre un peu plus lourd, c'est être plus stable sur son cadre et pouvoir, théoriquement, développer une plus grande puissance. Mathieu van der Poel avec ses 75 kilos entre dans le morphotype des chasseurs de classiques, alors que le poids moyen du vainqueur de Paris-Roubaix est de 74,7 kilos. Avec presque 10 kilos de moins, Tadej Pogacar fait office de poids plume au physique de grimpeur plus à l'aise sur les monts flandriens que sur les trouées pavées du Nord de la France. Seuls trois vainqueurs dans toute l'histoire de la course pesaient moins lourds que le Slovène : Maurice Garin en 1897 et 1898, Emile Daems en 1963 et Bernard Hinault en 1981.
Autre inconvénient à ce gabarit modeste, il semble très improbable de le voir lever les bras s'il n'arrive pas seul au Vélodrome de Roubaix. L'exercice du sprint sur piste favorisait largement un Mathieu van der Poel, un Wout van Aert, ou encore un Filippo Ganna, bien plus costauds.
Avantage Mathieu van der Poel
Force de l'équipe
L'équipe UAE Team Emirates - XRG s'est forgée la réputation d'essoreuse pour les formations adverses avant de laisser Tadej Pogacar opérer la dernière sélection. Mais elle a encore tout à prouver ou presque sur les classiques pavées. Ses six coéquipiers ne cumulent que 18 participations à Paris-Roubaix par le passé, dont huit pour le seul Nils Politt. L'Allemand sera, avec Florian Vermeersch et Tim Wellens les principaux bras droits de Pogacar dimanche… s'il ne joue pas de malchance comme sur le Tour des Flandres où Wellens ou encore Jhonatan Narvaez avaient dû abandonner sur chute. "Je ne peux pas être plus fier de l'équipe que je le suis en ce moment, et de la façon dont on a couru aujourd'hui, même si on a connu un peu de malchance", s'esquissait d'ailleurs Pogacar à l'arrivée.
Mathieu van der Poel, lui pourra compter sur plusieurs soutiens de poids et d'expérience. Jasper Philipsen était son dauphin lors des deux dernières éditions et servira autant de premier soutien que de plan B à Alpecin - Deceuninck. Silvan Dillier connaît les pavés par cœur (sept participations) et avait terminé deuxième en 2018. Cette escouade avait totalement contrôlé la course l'an passé, avec un formidable travail de Gianni Vermeersch (6e à Roubaix), mettant sur orbite "MVDP" vers le succès.
Avantage Mathieu van der Poel
Dynamique
Vainqueur du Ronde dimanche dernier, Tadej Pogacar arrive dans le Nord avec le plein de confiance. Son envie monstre de disputer Paris-Roubaix, ce que lui avait longtemps contre-indiqué son équipe, ne laisse aucun doute sur sa motivation dimanche. Et quand le champion du monde s'aligne sur un Monument, c'est pour y briller, même quand ce n'est que sa première participation. Exception faite de Milan - San Remo qui lui échappe pour le moment, depuis avril 2022, Pogacar s'est toujours imposé dans les courses d'un jour les plus difficiles du calendrier (deux Tour des Flandres, un Liège-Bastogne-Liège et quatre Tour de Lombardie),
Mathieu van der Poel se remet pour sa part d'une maladie qui l'a contrainte à être placée sous antibiotiques la semaine passée, juste avant le Tour des Flandres. "C'était le 1er avril au matin, il m'a envoyé un message pour me dire qu'il était très malade. Je pensais à une blague mais il m'a dit 'non, non, c'est vrai'", avait expliqué son directeur sportif Christoph Roodhooft. Sa forme durant la Ronde était bonne jusqu'à caler sur un nouveau coup de butoir du maillot arc-en-ciel dans le Vieux Quaremont à 18 kilomètres de l'arrivée. Pour faire vaciller Pogacar, être bon ne suffit pas, il faut être exceptionnel.
Avantage Tadej Pogacar