Pourquoi le Masters 1000 de Paris passe de Bercy à La Défense
Le dernier Masters 1000 de la saison, disputé à Paris, change d'écrin et va débuter cette année une nouvelle ère, à la Défense Arena après avoir été longtemps le "tournoi de Bercy".
Dans le sport comme ailleurs, les anniversaires sont des occasions pour célébrer, un lieu ou un événement. Combien de "maillots collectors", d'"éditions exceptionnelles" ont fait les petites histoires de nombreuses disciplines ? En 2025, le tournoi de Paris de tennis souffle ses 40 bougies. Mais avec comme cadeau un déménagement contraint et forcé de l'historique enceinte de Bercy à celle plus moderne de la Défense Arena. Drôle de timing ou moment idéal pour voir les choses en grand ? La vérité se situe sans doute un peu entre les deux.
Le Masters 1000 parisien a toujours joui d'une réputation flatteuse, auprès du public parisien comme des joueurs. Ultime M1000 du calendrier, le rendez-vous de la capitale offrait une atmosphère à la fois chaude voire électrique, en pleines vacances scolaires, et connaisseuse dans la ville de Roland-Garros. Bercy, son trophée en forme d'arbre, son tunnel et ses hexagones pour l'entrée des joueurs sur le court central… C'était une identité, un style à part. Mais aussi un tournoi d'un "autre temps", alors que le circuit mondial tend de plus en plus vers un élan de modernité et de nouveauté, comme en atteste le 10e Masters 1000 annoncé ces derniers jours en Arabie saoudite à partir de 2028.
Risque de déclassement
La salle de Bercy, polyvalente et omnisports, n'était pas pensée pour recevoir spécifiquement la petite balle jaune. Et cela a fini par peser lourd aux yeux de l'ATP, le circuit masculin. "On savait qu'on était dans le non-respect de certains standards", s'est expliqué Cédric Pioline, le directeur du tournoi à l'émission Retour Gagnant d'Eurosport. "Alors, ça commence par une amende puis une amende beaucoup plus forte (250 000 dollars la première année, 500 000 dollars la seconde). Et puis, au bout de 4 ou 5 ans, si vous ne vous conformez pas, il y a la possibilité de descendre d'une catégorie"
Passer d'un Masters 1000, un des très grands moments de la saison, de ceux que le gratin du tennis mondial veut absolument avoir à son palmarès, à un des 16 ATP 500 au calendrier, "pour la Fédération française, ça aurait été une catastrophe" assure Cédric Pioline. Un tel déclassement aurait été suivi de lourdes conséquences financières (moins de partenaires, moins de têtes d'affiches donc une incertitude sur l'affluence, etc.) et d'une image écornée pour le tennis tricolore, déjà absent des WTA 1000 dans le calendrier féminin. "Donc, on a déménagé".
Des contraintes logistiques inextricables
L'originalité Bercy est devenue une incongruité. Le format du tournoi de double ne respectait pas celui des Masters 1000 (24 paires au lieu de 28), faute de courts disponibles dans l'enceinte. L'ATP tolérait, via une dérogation que les courts annexes comptent moins de 2 000 places au total, et avec des courts à la vitesse de balle variable par rapport au central. Un central dont le toit n'était pas assez haut pour les exigences du régent du circuit masculin (10 mètres au lieu de 12,19). Les motifs d'exception ont fini par être trop nombreux, et les options dans l'Accor Arena trop réduites.
Car pour se plier aux exigences de l'ATP, Bercy aurait pu succomber à la mode des Masters 1000 rallongés sur dix jours et tenter de contourner ses problèmes. "Il y a un cahier des charges ATP par rapport à ce qu'on organise, rétorque Cédric Pioline à Eurosport. "Si on passait sur un format différent à 64 ou à 96 joueurs, cela amène des standards plus élevés en termes de court de compétition et de courts d'entraînement. Logistiquement, ce n'est pas possible. Donc il n'y a pas de débat pour nous. Et c'est bien de proposer quelque chose de différent, surtout en fin de saison. Il n'y a aucune demande de l'ATP pour allonger et augmenter le tableau, ou pour rendre le tournoi mixte."
"Ce sera vraiment difficile de dire que Bercy va me manquer, pour être honnête"
Trop à l'étroit dans sa maison de toujours, le tournoi de Paris a dû pousser les murs. Et traverser ainsi Paris d'Est en Ouest direction la Défense Arena de Nanterre. La salle qui accueille à l'année des concerts mais aussi les matchs du Racing 92 en rugby va se tester dans une nouvelle configuration. 17 500 places pour le court central, un record pour le circuit du tennis dans une salle en indoor, trois courts annexes séparés par de simples rideaux occultants… Cette nouvelle mouture n'a rien d'un copier-coller des 39 éditions précédentes.
Et c'est visiblement une très bonne nouvelle pour certains. "Ce sera vraiment difficile de dire que Bercy va me manquer, pour être honnête" a lâché le numéro un mondial Carlos Alcaraz. "Je pense que c'est impressionnant. J'aime beaucoup ce nouvel endroit. Tout est fait pour les joueurs, c’est plus confortable. Je suis ravi qu'il y ait eu ce changement."
Même la surface a eu le droit à un lifting. De rapides, ce qui avait souri au Tricolore Ugo Humbert qui s'était hissé jusqu'en finale, les courts sont désormais bien plus "équilibrés". "Cette année, c'est complètement différent par rapport à l'année dernière, c'est plus lent" confirme Alcaraz. "Si le court est plus lent, on peut vraiment voir jouer du vrai tennis, ce n'est pas simplement une question de service. On peut élaborer nos jeux, voir des échanges plus longs." Et offrir des conditions très proches de celles du Masters de fin de saison, qui réunit les meilleurs joueurs de la saison.
Tant pis pour l'ADN de tournoi à surprises, de Humbert 2024 à la révélation Holger Rune vainqueur en 2022, l'inattendu Jack Sock en 2017 ou la sensation Andrei Pavel finaliste en 2003 tout en étant 191e joueur mondial. Tant mieux aussi, en tout cas en théorie, pour le spectacle. Même si ce déménagement risque d'en être le clou au moins en 2025.








