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Tournois rallongés mais tableaux affaiblis, le paradoxe de la tournée nord-américaine
Les Masters 1000 disputés au Canada (Montréal pour la WTA, Toronto pour l'ATP) puis à Cincinnati s'étendent désormais sur deux semaines, ce qui est loin de faire l'unanimité.
Vous reprendriez bien une part de Masters 1000. Dans leur appétit insatiable de jeu et de retombées financières, l'ATP et la WTA font la part belle aux grands événements du calendrier. Depuis cette année, la tournée d'été nord-américaine sur dur a eu le droit à du rab avec les Masters 1000 canadiens (Montréal pour la WTA, Toronto pour l'ATP) et de Cincinnati portés de huit à douze jours. Le modèle avait déjà été appliqué en 2023 pour Shanghai, Rome et Madrid, et ce sont désormais sept des neufs "M1000" du calendrier qui s'étendent sur deux semaines à la manière d'un tournoi du Grand Chelem. Ce, en dépit de calendriers pourtant bien remplis.
C'est en tout cas l'orientation prise par le circuit masculin, et sa réforme "One Vision" qui donne la priorité aux événements dits "premium". Le Masters 1000 de Toronto vantait le "début d'une nouvelle ère" dans sa communication et a voulu faire du tournoi une grande fête du tennis. Problème, certains des invités les plus prestigieux n'ont pas répondu à l'invitation.
Sinner, Alcaraz, Djokovic, Sabalenka… Des forfaits en cascade
Éreintés par le rythme effréné des saisons sur terre battue puis sur gazon, Jannik Sinner et Carlos Alcaraz ont préféré faire l'impasse. Idem pour la numéro une mondiale Aryna Sabalenka, qui a assuré qu'un forfait à Montréal était la "meilleure décision pour mettre toutes les chances de son côté" pour la suite de la saison sur dur. Lors des 29 premières semaines de 2025, le Biélorusse était - et de loin - la joueuse à avoir passé le plus de temps sur le court au cumulé avec plus de 92 heures de jeu, soit un peu plus de deux rencontres hebdomadaires d'1h30 en moyenne.
Cette cadence infernale fait des dégâts, alors que se profile le dernier Majeur de la saison, l'US Open à partir du 24 août prochain. La densité des affiches proposées lors de cette tournée nord-américaine en pâtit. Déjà absent au Canada, Novak Djokovic ne sera pas non plus de la partie à Cincinnati pour aborder au mieux le tournoi new-yorkais du Grand Chelem. Et les voix de nombreux acteurs du circuit s'élèvent pour s'insurger du modèle qui leur est imposé.
"Je n'ai jamais vu un seul joueur dire qu'il aime les Masters sur deux semaines"
Dans un échange lors du podcast Nothing Major, le numéro trois mondial Alexander Zverev ne s'est pas fait prier de dire tout le mal qu'il pense de ces Masters 1000 à rallonge, comme il l'avait déjà fait plus tôt dans la saison en marge des rendez-vous de Madrid et de Rome.
"Je pense que l'ATP doit vraiment se pencher sur le sujet pour trouver une solution" explique l'Allemand. "Pour être honnête, je n'ai jamais vu un seul joueur dire qu'il aime les Masters sur deux semaines. Et je crois que les fans n'aiment pas cela non plus. Je comprends que le tennis est un business mais je ne suis pas sûr que ce business plan fonctionne. Je ne suis pas un fan de la direction que l’on prend."
Zverev loue les exemples des Masters 1000 de Monte-Carlo et de Paris, les deux derniers à se tenir encore sur une seule semaine, "les deux meilleures maintenant pour les fans et pour les joueurs" insiste-t-il. "Tu y vas, tu joues tes cinq matches et tu t'en vas. Tu n'as pas besoin de rester, de t'entraîner entre les matches. Les Masters 1000 étaient comme ça et je crois que tous les joueurs adoraient." Désormais, seules deux semaines séparent la finale de Wimbledon du premier tour du Masters 1000 au Canada, une de moins qu'en 2023, quand un mois quasi entier se trouvaient au calendrier en 2022.
L'argument avancé par l'ATP et la WTA de jours de repos entre les tours permis par ces Masters 1000 plus longs peine à convaincre entre influx mental et préparation réduite à l'extrême. "Les Masters 1000 de deux semaines sont devenus un véritable calvaire" déplorait le Grec Stefanos Tsitsipas en novembre dernier sur X. "La qualité a nettement baissé. Les joueurs ne bénéficient pas du temps de récupération ni d'entraînement nécessaire, avec des matchs incessants et peu d'espace pour un travail intense en dehors du court." L'ATP et la WTA voient le calendrier se densifier jusqu'à friser l'embouteillage. Les fans de tennis devront ainsi se dupliquer ce jeudi alors que Cincinnati débutera… le même jour que la finale à Toronto et à Montréal.
Quand la pause s'impose
Alors, pour rester compétitif, les défections se font nécessaires. "En fait, prendre cinq ou six jours off avec ma famille sans toucher une raquette a été la clé, c'est là que j'ai retrouvé ma joie de vivre et le plaisir de jouer au tennis" avait expliqué Carlos Alcaraz après avoir pris quelques jours de vacances à Cancun après son élimination dès son entrée en lice à Miami fin mars. "Et en revenant, j'ai gagné Monte-Carlo, Rome et Roland-Garros..."
Ce n'est peut-être pas un hasard si l'Australien Alex De Minaur s'est montré performant au Canada (quart de finale) une semaine après avoir triomphé à Washington, alors qu'il avait réduit drastiquement sa saison sur gazon. "Je suis fatigué mentalement, en burn-out" avait-il révélé juste après sa sortie précoce à Roland-Garros. "Je savais que dans l'état où j'étais, je devais changer quelque chose" a-t-il rebondi en conférence de presse dimanche dernier dans l'Ontario. "Ce que je vivais au quotidien n'était pas tenable", alors qu'il n'avait connu qu'à peine plus d'un mois entre son dernier match en 2024 et sa reprise en compétition.
Le frondeur Alexander Zverev est, lui, allé jusque dans le dernier carré à Toronto jeudi, un mois après son dernier match. Sa défaite dès le premier tour à Wimbledon lui avait alors fait broyer du noir, "Je ne me suis jamais senti aussi vide, je ne ressens aucune joie dans tout ce que je fais, même quand je gagne" avait-il alors lancé. "Ce break a été extrêmement important, j'en avais besoin" a-t-il expliqué avant le tournoi canadien. "J'ai pris du temps pour moi et cela ne m'arrive que très rarement. Aujourd'hui, je suis à nouveau heureux de jouer au tennis."