Jonas Vingegaard, la Vuelta comme revanche
Deuxième des deux dernières éditions du Tour de France, Jonas Vingegaard retrouve le Tour d'Espagne dans la peau du favori avec l'espoir d'un premier maillot rouge ramené à Madrid.
L'ogre Tadej Pogacar a consenti à laisser quelques miettes au reste du peloton. De tous les affamés, Jonas Vingegaard l'est peut-être un peu plus que les autres. Le Danois est un de seuls à pouvoir regarder dans les yeux, même d'assez loin, Pogacar dans les Grands Tours ces dernières années. Samedi pour le départ de la Vuelta, le leader de la Visma | Lease a bike sera comme orphelin de son meilleur ennemi. L'opportunité pour lui de retrouver les sommets après avoir buté au deuxième rang des Tours de France 2024 et 2025. Mais aussi de débuter pour de bon son histoire avec les routes espagnoles.
Si Jonas Vingegaard a invariablement disputé le Tour de France depuis 2021 autant qu'il s'est abstenu de tenter le Giro, le vainqueur de la Grande Boucle 2022 et 2023 a une histoire plus contrastée avec la Vuelta. C'est là qu'il y a disputé, à 23 ans, son premier Grand Tour en 2020, le seul qu'il n'a pas conclu à une des deux premières places du classement général. Sa deuxième et dernière venue de l'autre côté des Pyrénées l'avait vu terminer au rang de dauphin surprise de son coéquipier Sepp Kuss dans une édition 2023 survolée par la Visma. Deux ans après, Vingegaard sera du grand départ à Turin samedi. Sans Pogacar donc, et sans son ancien coéquipier Primoz Roglic, tenant du titre absent à sa propre succession.
Derrière Pogacar, mais loin devant les autres
Sur le papier, on pourrait presque croire à un boulevard tracé pour "Vingo". Il a peut-être terminé une nouvelle fois à bonne distance de son adversaire slovène sur les routes hexagonales en juillet, mais il a plus encore laissé la concurrence très loin derrière lui : à 4'24" de Pogacar mais avec 6'36" d'avance sur le troisième, Florian Lipowitz. Derrière le le champion du monde, le Danois était, et d'assez loin, le meilleur coureur du Tour ces deux dernières années. De quoi affûter les ambitions quand son alter ego de domination n'est pas au départ.
"Après le Tour de France, j’ai d’abord pris un peu de repos, puis j’ai commencé à me préparer pour ce prochain objectif majeur de ma saison" a expliqué Jonas Vingegaard au site de sa formation. "Je suis là pour la victoire finale, a annoncé le Danois de 28 ans. Avec le soutien de cette équipe, cela me semble un objectif réaliste."
"La victoire finale est notre grand objectif, il n’y a pas lieu de s’en cacher" a assumé le directeur sportif de la Visma | Lease a bike, Grischa Niermann. S'il voit évidemment Vingegaard comme "la plus grande possibilité pour la victoire finale", Niermann sait le poids que pourrait jouer toute son équipe du 23 aoûr et 20 septembre. "Avec Sepp Kuss, nous avons un ancien vainqueur au départ, et Matteo Jorgenson a bien récupéré après le Tour de France. Avec Wilco Kelderman, Ben Tulett, Victor Campenaerts, Dylan van Baarle et Axel Zingle, nous avons une équipe qui peut soutenir Jonas dans toutes les situations."
Il n'y en aura pour ainsi dire que deux pour lesquelles le Danois aura besoin d'un peu d'appui. Le temps du contre-la-montre par équipes autour de Figuères lors de la 5e étape pour être à la hauteur des meilleurs, voire leur grappiller du temps. Mais surtout lors des très nombreuses ascensions qui font le décor de la Vuelta. Meilleur grimpeur du plateau, Jonas Vingegaard a face à lui un parcours taillé pour ses qualités avec pas moins de onze arrivées en côté, dont dix lors de vraies étapes de montagne. "Il y a de nombreuses étapes où l’on peut faire la différence, il est donc important d’être prêt dès le départ" a prévenu Grischa Niermann.
Visma - UAE, acte III
Les cols pentus et explosifs d'Espagne ont tout pour être un terrain d'expression privilégié pour Vingegaard, de l'infernal Angliru à l'étape 13 au Bola del Miundo la veille de l'arrivée avec son finish à plus de 2 200 mètres d'altitude. Seule rare éventuelle inconnue, le Danois n'a pas recouru depuis le Tour de France et son état de forme précis restera à éprouver lors des premières étapes. Surtout qu'il n'est pas tout à fait seul au monde non plus.
La cascade d'absents (Pogacar, Roglic, mais aussi Richard Carapaz, Enric Mas, Remco Evenepoel, Nairo Quintana, ou encore Simon Yates) est conséquente. Mais la liste de ses principaux opposants a plutôt fière allure. Elle devrait offrir un nouveau duel entre les deux mastodontes du peloton, Visma | Lease a bike et UAE Emirates - XRG. Après les épisodes Simon Yates face à Isaac Del Toro du Giro et la nouvelle valse "Vingo" - "Pogi" sur le Tour de France, Jonas Vingegaard va cette fois faire face à un monstre émirati à deux têtes. UAE a misé sur le duo Juan Ayuso - Jõao Almeida pour contrecarrer les plans du Scandinave.
Forts grimpeurs, expérimentés sur les Grands Tours malgré leur jeune âge, les deux coureurs auront eux aussi les crocs. Ayuso comme Almeida ont tous les deux dû abandonner lors de leurs deux derniers rendez-vous sur trois semaines. Le Portugais a été emporté par une chute dès la 7e étape du Tour de France, où il devait être le principal bras droit de Tadej Pogacar. Quant à l'Espagnol, 3e puis 4e sur son grand Tour national en 2022 et 2023, il avait été touché au genou avant de céder lors de la 18e étape du dernier Giro, piqué par un insecte à l'oeil. Pour peu qu'ils parviennent à s'entendre, leur talent associé à la part du nombre sont à même de faire trembler Jonas Vingegaard.
"Evidemment Jonas est favori, il a remporté le Tour à deux reprises, il est l'un des deux meilleurs cyclistes de sa génération, mais nous sommes forts nous aussi" a avancé João Almeida. "Si nous avons deux cartes en main alors nous sommes plus forts que quand vous n'en avez qu'une." "Il aura la responsabilité, il a une super équipe, donc la pression et le poids de la course seront entièrement sur lui et ce qu'il fait" prévient Ayuso.
A Vingegaard d'assumer son statut en prenant le contrôle des opérations pour s'éviter le risque d'une course d'usure. S'inspirer en somme d'un certain… Tadej Pogacar.