Mais quel est le problème avec la deuxième Red Bull ?
Appelé à succéder à un Sergio Pérez en crise de résultats l'an passé, Liam Lawson a été rétrogradé par Red Bull au profit de Yuki Tsunoda après seulement deux Grands Prix.
Deux courses, une course sprint et Liam Lawson a été prié de refaire ses valises. Arrivé l'hiver dernier pour devenir le nouveau coéquipier de Max Verstappen chez Red Bull, le pilote néo-zélandais a été renvoyé chez l'écurie petite sœur, Racing Bulls, dont a été exfiltré Yuki Tsunoda pour le remplacer. Un nouveau jeu de chaises musicales pour le deuxième baquet de Red Bull, qui ne cesse de confirmer son statut de cadeau empoisonné dans le paddock depuis le départ de Daniel Ricciardo au terme de la saison 2018.
Six saisons plus tard, la question du deuxième pilote de l'écurie de Milton Keynes n'a toujours pas été vraiment réglée. Avec Tsunoda, c'est un cinquième pilote qui va devoir endosser le rôle de voisin de stand de Verstappen, leader absolu des Taureaux Rouges. Un défi colossal, auquel le Japonais aspirait depuis son arrivée en F1. La promesse aussi d'une sacrée galère, qui a emporté avant lui d'autres pilotes qui ont tous pour trait commun d'avoir fait leurs preuves ailleurs avant ou après leur passage chez Red Bull.
Lawson, trois départs et puis s'en va
Pierre Gasly, 12 départs, 5,25 points de moyenne (autour d'une 7-8e place). Alex Albon, 9 départs, 8,44 points de moyenne (environ la 6e place). Sergio Pérez, 90 départs, 5 victoires, 10,36 points de moyenne, grosso modo ce qu'offre la 5e place. Et enfin Liam Lawson, 3 départs, une 18e place en qualification en Australie et un accident durant le Grand Prix, puis la 20e et dernière place en qualifications de la course sprint et de la course à Shanghai pour deux résultats totalement anonymes (14e et 12e). Comment expliquer alors qu'une écurie parmi les meilleures du plateau peine autant à trouver un pendant à sa poule aux œufs d'or ?
La concurrence, elle, a pourtant su faire, parfois avec moins de moyens : Lewis Hamilton pour accompagner Charles Leclerc chez Ferrari cette saison, les paris de la jeunesse Oscar Piastri et George Russell chez McLaren et Mercedes. Et Red Bull a eu beau tenter autant la voie de sa filière de jeunes talents que celle d'un solide pilote d'expérience comme Sergio Pérez, le résultat a été le même : l'incapacité de la comparaison, ou même de faire illusion face à "Super Max".
C'est peut-être là que se tient la genèse de ce mal qui plombe l'écurie du quadruple champion du monde. Verstappen est un pilote à part, capable de faire jaillir des étincelles de sa monoplace quand les autres parviennent à peine à la dompter. Le Néerlandais aime pouvoir rentrer fort dans les virages, grâce à la partie avant de sa voiture conçue pour répondre du tac au tac à ses manœuvres, quitte à en rendre l'arrière plus difficilement maîtrisable. Tant pis si cela ne convient pas à l'autre pilote de l'écurie, ou même si cela ne se passe d'ailleurs pas si mal que ça.
Une voiture faite pour Max Verstappen
Dans le podcast High Performance, Alex Albon, éphémère pilote Red Bull, expliquait le challenge technique que représente le pilotage des "RB". "Chacun a son style, le mien est plutôt doux, mais j'aime quand même avoir un train avant assez vif et direct. Max aime aussi cela mais sa précision est d'un autre niveau. Pour donner une idée de ce que cette différence peut représenter, imaginez-vous jouer à un jeu vidéo sur ordinateur en augmentant au maximum la sensibilité de la souris. Dès que vous la déplacerez, elle ira d'un bout à l'autre de l'écran à toute vitesse. C'est un peu ce que vous ressentez au volant. La voiture devient si vive que ça devient compliqué."
Liam Lawson ne dira pas le contraire, six ans après le passage d'Albon dans l'écurie. "L'équilibre était bon pendant un tour, et après, il n'y avait plus de train avant et je ne pouvais plus transmettre la puissance" avait-il expliqué à la radio juste après le drapeau à damier en Chine le 25 mars dernier. "Je suis désolé. Honnêtement, j'ai tout essayé pour y remédier." Le chronomètre, lui, est sans appel. Le Néo-Zélandais a concédé plus d'une seconde à Verstappen en qualification à Melbourne (+1''076), puis à peine mieux +0''813 et 0''750 en qualifications du sprint et du Grand Prix à Shanghai. Un gouffre, surtout avec une grille désormais resserrée.
Voir Lawson établir un record de médiocrité dans l'histoire de Red Bull - aucun pilote ne s'était qualifié trois fois de suite parmi les trois dernières places - pour ses débuts a été un argument suffisant pour que les têtes pensantes de l'écurie déclenchent le baquet éjectable. "C’était vraiment un choc, honnêtement" a assuré le jeune pilote de 23 ans à Sky Sports. "Ce n’est pas quelque chose que j’ai vu venir. Les discussions que nous avions eu ne penchaient pas dans cette direction, donc ce n’était pas quelque chose auquel je m’attendais."
L'impatience des uns fait le malheur des autres
C'est un des paradoxes de Red Bull, qui n'a pas de temps à perdre pour glaner des points dans la quête du titre constructeurs (déjà 42 unités de retard sur McLaren) mais a préféré donner son deuxième volant à un pilote qui comptait seulement 11 Grands Prix au compteur avant cette saison. "Sous une pression plus forte, il n'a pas pu réaliser la performance, et ce dès le premier jour en Australie" a commenté Helmut Marko, responsable de la filière jeunes de Red Bull. "Il est alors entré dans une spirale négative. C'est comme un boxeur en difficulté, tu as du mal à t'en sortir."
Yuki Tsunoda aura au moins pour lui l'avantage d'avoir vécu quatre saisons complètes en F1 avant de débarquer. Le Japonais bénéficie en plus de l'avantage d'une première course à domicile, au Japon sur le circuit de Suzuka, un des plus techniques du calendrier. Ce même Tsunoda, que Marko avait estimé de son propre aveu "trop inconstant" pour prétendre à ce poste quelques mois plus tôt, va devoir se montrer à la hauteur sans délai, comme les autres avant lui. "Le message de l’équipe a été de continuer à faire ce que je fais et d’être performant", a-t-il avant le Grand Prix. "Je dois être aussi proche que possible de Max pour essayer de concourir pour le titre des constructeurs et apporter un avantage stratégique à l’équipe à chaque course."
Le Nippon espérera surfer sur ses bonnes performances du début de saison (5e et 9 en qualifications, 6e sur la course sprint en Chine) et confirmer que ses sautes d'humeur sont de l'histoire ancienne. Sous peine d'être un nom de plus sur la longue liste de ces deuxièmes pilotes essorés par la machine Red Bull, comme l'a été Sergio Pérez en deuxième partie de saison 2024, sans confiance, résultats... Ni même baquet en Formule 1 la saison suivante.